Chapitre 29: confessions

La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.

O&P

Un grand merci à Lenniee pour la relecture et sa contribution à l’amélioration de ce chapitre.

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Réponses aux commentaires (FFnet):

Guest : c’était effectivement une possibilité, mais attendre dans l’incertitude aurait aussi été risqué. Je ne dis pas que Darcy et Bingley aient fait le meilleur choix, mais ils ont fait celui qui conviendra le mieux à la suite de ma fiction… 😉

Noune, Pixiel et Lorelei : vous m’avez bien fait rire, Lorelei vous avez en effet « un peu » exagéré en ramenant mon délai moyen de publication de un chapitre par quinzaine environ, à 30 ans ! 😉 😁 😂

Je rappelle que l’écriture n’est pas mon métier, mais l’un de mes loisirs que je partage gratuitement avec vous. Ce n’est pas pour autant que je permettrais de bâcler le texte, je fais donc beaucoup de relectures pour chasser le maximum d’erreurs, tant dans la forme que dans le fond, ce qui est chronophage.  Bref, soyez patiente et indulgente !

Jane et Karine, je vous remercie beaucoup de vos gentils mots 😍 . Une fois de plus, Karine, vous n’êtes pas tombée loin de ce que j’ai imaginé, votre intuition est vraiment bonne !


La sonate de l’amour

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Je t’estime autant que je t’aime. Je sais que c’est une vieille rouerie des amours vulgaires qu’il faut cacher la moitié de ce que l’on éprouve. Je pense précisément le contraire, et je le fais comme je le pense. L’amour est une puissance, il ne peut rien craindre; l’amour est une loyauté, il ne doit rien cacher.

– Victor Hugo –

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Chapitre 29 : confessions

En tombant de cheval, Wickham s’était cogné la tête et se retrouva assommé, alors que Pégase détala en entendant le coup de feu.

Charles et Elizabeth se précipitèrent aux côtés de Darcy qui était tombé au sol et était maintenant couché sur son flanc droit, immobile. Une tache sombre s’élargissait rapidement sur sa veste marron. Charles posa deux doigts sur le cou de son ami pour vérifier son pouls.

– Seigneur merci, il est vivant, chuchota-t-il.

Il sortit son mouchoir de sa poche et en fit une boule pour la presser sur la blessure de son ami.

– Charles, s’il vous plaît, détachez-moi que je puisse vous aider ! demanda Elizabeth urgemment. Elle était agenouillée à son côté et tendit les bras vers lui. .

– Oui, bien sûr ! Il délia la corde qui emprisonnait encore les poignets de sa belle-sœur. Il lui prit une main et la plaça sur le pansement improvisé. Je vais utiliser la corde pour attacher ce scélérat avant qu’il ne se réveille, pourvu que le diable ne l’ait emporté avec lui en apportant davantage de problèmes. Pendant ce temps appuyez sur la plaie de Darcy avec ça.

– Oui, je m’en occupe ! Lizzie avait les mains tremblantes, le cœur trépident et les jambes flageolantes, mais elle prit sur elle afin de sauver l’homme qu’elle aimait et qui avait risqué sa vie pour elle.

Bingley immobilisa Wickham encore inconscient. Il prit soin de saisir le couteau et les deux pistolets et revint vers son ami dont il inspecta la blessure aussi bien qu’il le pouvait à travers les vêtements, au moins pour déterminer à quelle hauteur elle était. La position n’était pas bonne et il espérait que la balle n’avait pas endommagé quelque chose de vital. Il fallait agir, et vite.

– Je vais retourner à Pemberley. Avec un peu de chance le médecin sera encore là, sinon il ne sera pas loin et je le ramènerai le plus vite possible. J’enverrai aussi quérir un chirurgien.

– Le médecin est à Pemberley ? Quelqu’un est malade ? s’inquiéta la brune.

– Non, rassurez-vous, je vous expliquerai plus tard, répondit Charles en défaisant sa veste pour la placer sur son ami afin qu’il ne prît point froid.

Il confia l’une des armes à sa belle-sœur, puis enfourcha son cheval et partit au galop. Lizzie s’assit par terre. Elle souleva doucement la tête de Darcy et la posa sur ses genoux en guise d’oreiller, son visage tourné vers elle. Elle dégagea une boucle de cheveux qui tombait sur son front et qui cachait ses yeux fermés, avec amour, tout en appuyant avec son autre main sur l’épaule blessée du jeune homme. Elle savait parfaitement que tout ceci était hautement inconvenant, mais qui en serait témoin ? Et puis la peur de voir mourir celui qu’elle aimait lui faisait passer outre la bienséance.

– Quelle folie, Mr Darcy ! Pourquoi avez-vous fait cela ? demanda-t-elle plus pour elle-même sans attendre de réponse.

Darcy avait commencé à reprendre conscience, mais sans pouvoir encore le montrer, quand Charles avait posé les doigts sur son cou. Il avait perdu connaissance quelques secondes sous l’effet de la douleur combinée à la peur de voir Elizabeth touchée par la balle. Il avait écouté tous les échanges entre Elizabeth et Charles, mais d’abord leurs voix étaient nébuleuses, distantes, et son corps ne lui obéissait pas : il ne pouvait ni bouger ni rassurer les deux qu’il était conscient. En entendant la question qu’Elizabeth lui posait il rassembla toutes les forces qui lui restaient.

Je… n’pouvais pas… répondit-il avec difficulté et d’une voix à peine audible, imaginer vivre dans un monde… sans vous… même si…, il n’acheva pas sa réponse, mais pensa « même si vous êtes mariée à un autre ».

Elizabeth fut étonnée de l’entendre répondre à sa question et elle fut stupéfaite de la signification cachée derrière cet aveu. Dans le feu du moment, et à cause de toutes les émotions qu’elle avait ressenties depuis son enlèvement, la colère, la peur, l’angoisse, le tourment, puis la terreur de voir l’homme qu’elle aimait à terre blessé entre la vie et la mort pour l’avoir protégée, Lizzie laissa tomber le voile dans lequel elle avait drapé ses sentiments. Ce qui sortit de sa bouche fut un mélange de mots, de phrases pas bien formulées qui venaient directement de son cœur.

– Oh, Mr Darcy, grâce à Dieu vous avez repris conscience ! Je suis tellement soulagée ! Mais je dois vous avouer une chose… Je vous aime, Mr Darcy ! Oh ! oui, je vous aime désespérément et vous n’avez pas le droit de mourir ! … Je vous demande pardon ! dit-elle la voix pleine de sanglots.

– Mais vous êtes fiancée à Richard ! dit-il d’une voix faible après quelques secondes de silence.

– Non, pas du tout ! Il m’a demandé de réfléchir à une offre de mariage qu’il avait l’intention de me faire à son retour, mais nous ne sommes pas engagés.

Darcy fronça ses sourcils. Alors Miss Elizabeth n’était point fiancée à Richard ?! Quelle découverte ! Durant tous ces derniers mois il avait cru que Richard lui avait demandé de l’épouser et qu’elle avait accepté. Et avait-il bien entendu, elle l’aimait, lui ? Il n’en croyait pas ses oreilles, probablement que la douleur et sa blessure lui avaient fait perdre la tête ou lui avaient donné des hallucinations. Il décida de lui poser une question pour s’en assurer.

– Mais vos sentiments à mon égard… que vous avez exprimés le printemps dernier…

– Je me suis trompée ! Oh Mr Darcy, j’ai été si stupide, entêtée et aveugle ! C’est vous que j’aime depuis le début, dès que je vous ai vu la première fois dans le salon chez votre tante, j’ai été subjuguée par vous. Mais ensuite, vous avez blessé mon orgueil, alors je n’ai pas pardonné le vôtre et j’ai commencé à éprouver du ressentiment. J’ai cherché délibérément tous vos défauts et j’ai interprété toutes vos intentions de la pire façon possible. J’ai voulu vous blesser intentionnellement dans chacune de mes remarques, chacune de nos conversations. Et puis j’ai été flattée par l’intérêt que me portait votre cousin qui est un homme charmant. Et lorsqu’il m’a demandé de réfléchir à cette offre, après avoir reçu les deux pires offres de mariages de toute l’histoire de l’Angleterre, elle fit un petit sourire triste, j’ai accepté de la prendre en considération. Mes sentiments étaient confus. Je l’apprécie énormément, mais je sais maintenant que c’est comme un ami ou un frère, pas comme un éventuel époux. Elle caressa son visage et ses cheveux. J’ai découvert ensuite peu à peu votre véritable personnalité, l’homme bon et généreux que vous êtes… Vous seul avez su faire chavirer mon cœur, Mr Darcy, me troubler, me défier, mais j’ai réfuté tous les indices, refoulé tous les symptômes. Je ne l’ai compris qu’au moment où je vous ai entendu et vu jouer cette sonate de Beethoven.

En entendant la confession d’amour d’Elizabeth si vibrante et si passionnée, Darcy sentit une immense joie : elle l’aimait ! Et elle n’était pas fiancée à Richard. Sur le coup il éprouva du soulagement et sourit faiblement, mais pour autant, cela ne changeait pas les sentiments de Richard à l’égard de la jeune femme et très vite son bonheur fut écrasé par son sens de l’honneur et sa loyauté envers son cousin.

– Elizabeth… je vous aime toujours… et même davantage chaque jour, il fut pris d’une quinte de toux, mais si… lorsque Richard reviendra…

– Nous ne sommes pas fiancés, réitéra Lizzie qui pensa qu’il n’avait pas compris la situation à cause de son état, et je lui dirai qu’après avoir eu une mûre réflexion, je ne peux pas répondre de façon favorable à sa demande, finit-elle avec conviction.

– Je ne pourrai pas…, il toussa encore, même si vous déclinez sa demande, je ne pourrai pas trahir mon cousin, murmura-t-il avant de gémir de douleur.

– Ce serait injuste pour lui comme pour moi d’accepter de l’épouser, même si vous ne voulez plus de moi, je ne pourrai pas me marier avec lui, je ne le ferai pas. Mais nous parlerons de cela plus tard, Mr Darcy, économisez vos forces.

– Eliz… je…, bafouilla-t-il avant de perdre à nouveau connaissance.

– Mr Darcy, non !

Lizzie était très inquiète à cause de la quantité de sang qui s’était déjà échappée de sa blessure, alors elle appuya encore plus fort sur le pansement compressif improvisé, priant pour que Charles revînt très vite avec de l’aide. Elle observait le beau visage du jeune homme avec angoisse et amour, il était pâle, elle ne put s’empêcher de le caresser comme pour lui signifier de s’accrocher, elle sentait qu’elle était une sorte de lien entre Darcy et la vie, l’empêchant d’abandonner, le stimulant à lutter pour sa survie. Elle lui murmurait des mots d’apaisement, mais aussi des plus secrets, à peine audibles.

Enfin Charles fut de retour avec le médecin et Stanley qui étaient dans une carriole tirée par un cheval de trait, il n’y avait guère que cela qui pût passer sur ce chemin étroit. Les trois hommes s’affairèrent autour de Darcy. Le médecin vérifia son pouls et ses pupilles avant de s’occuper de la blessure. Il avait découpé ses vêtements du cou pour atteindre blessure qui, maintenant, était bien visible.

– Comment va-t-il docteur ? Sa vie est-elle en danger ? demanda Lizzie inquiète.

– Oui, Dr Fleming, dites-nous ! dirent en chœur Bingley et Stanley.

– Son pouls est un peu faible, cependant il est régulier. Le plus inquiétant est qu’il a perdu beaucoup de sang, mais apparemment aucun gros vaisseau n’a été touché, répondit le médecin tout en commençant à nettoyer la blessure avec l’une de ses potions. Par contre la balle n’est pas ressortie et il faudra un chirurgien pour l’extraire car elle a pénétré profondément dans la chair, continua-t-il tout en pansant la plaie située dans le haut du dos au niveau de l’épaule gauche. L’idéal serait de ne pas le bouger jusqu’à l’opération afin d’éviter que la balle ne bouge et ne fasse plus de dégâts, mais le laisser ici serait probablement tout aussi risqué. C’est un homme jeune et robuste et il devrait s’en sortir, conclut-il pour les rassurer.

– Merci docteur, dit Bingley.

– Je vais examiner l’homme inconscient, dit le médecin en montrant Wickham, pendant ce temps-là, vous pouvez transporter Mr Darcy le plus délicatement possible dans la carriole pour le ramener chez lui.

Bingley prit son ami en encerclant sa taille par derrière après l’avoir assis avec l’aide de Stanley qui prit ensuite les jambes de son maître. Ensemble ils soulevèrent Darcy, qui était un grand gaillard, et l’amenèrent, non sans quelques difficultés, dans le véhicule.

Le Dr Fleming avait terminé l’examen de Wickham.

– Il est juste inconscient avec une grosse bosse qui commence à se former. Il devrait se réveiller avec un gros mal de tête, rien de bien sérieux à mon avis, dit-il. Je suppose que c’est lui l’agresseur de Mr Darcy ?

– En fait le coup est parti alors qu’il s’est fait désarçonner de cheval, répondit Charles qui voulait en dire le minimum.

– Ah ! je vois, un accident alors, dit le médecin habitué à rencontrer des situations délicates de par son métier, il ne chercha pas à creuser davantage.

Charles s’inquiéta de quelle manière il pourrait préserver la réputation de Lizzie. Il savait pouvoir compter sur la discrétion du médecin et de Stanley, mais comment ramener la jeune femme au manoir sans qu’elle ne fût aperçue, afin de valider leur histoire ? Il discuta rapidement avec Stanley pour mettre en œuvre le plan qui avait été prévu avec le déguisement à l’aide de l’une des tenues de Jane que le valet rapporterait lui-même. Moins il y aurait de personnes impliquées, mieux gardé serait le secret.

Mais pour l’heure, le plus important était de sauver son ami. Darcy voyagea donc avec son domestique et son médecin dans le véhicule, tandis que Charles resta avec sa belle-sœur et Wickham, toujours inconscient.

Ce dernier finit par reprendre conscience en geignant alors que Stanley revenait moins d’une heure plus tard. Avec l’aide de Bingley, il escorta Wickham à la cabane, où ils le bâillonnèrent et l’attachèrent solidement à une poutre. Stanley resterait ici pour le surveiller en attendant que deux domestiques ne furent envoyés pour s’occuper du scélérat, une fois Elizabeth hors d’ici il n’y aurait plus de risque pour sa réputation. Il serait dit aux hommes que c’était un déserteur, un voleur et un menteur qui avait braconné et qui avait mal réagi en blessant Darcy lorsqu’il avait été découvert.

Elizabeth eut la présence d’esprit de ramasser le sac qui contenait la rançon et elle l’attacha à la selle du cheval de son beau-frère, qu’elle ramena avec elle en suivant les trois hommes.

Lizzie trouva un coin et se changea rapidement à l’abri des regards pendant que son agresseur était ficelé. Heureusement que Jane avait eu la bonne idée de choisir une robe qui se fermait par devant tout comme la sienne. Ensuite Stanley leur expliqua ce qu’il avait convenu avec Mrs Reynolds pour faire entrer Elizabeth le plus discrètement possible.

Bingley hissa Lizzie sur son cheval et s’installa derrière elle, finalement ce serait encore plus facile de duper les gens qui penseraient qu’il s’agissait de Jane. Lizzie se souvint d’une autre chevauchée où elle s’était retrouvée aussi proche d’un homme, ô combien plus troublante, qu’elle avait faite au printemps dernier dans le Kent. Si seulement elle avait été naguère moins entêtée, elle n’en serait pas là aujourd’hui à se demander quand elle pourrait à nouveau se retrouver dans les bras de l’homme qu’elle aimait.

Le faux couple galopa jusqu’au manoir. Bingley déposa Lizzie au pied de l’escalier sud, le moins fréquenté, elle le gravit sans s’attarder, mais sans se précipiter afin de ne pas attirer les regards d’éventuels serviteurs égarés. La femme de charge qui l’attendait lui ouvrit la porte et la guida vers ses appartements. Mrs Reynolds avait veillé à ce que chaque domestique de la maison fût bien occupé par une tâche située en dehors du trajet qu’elles devaient emprunter. Ce fut relativement facile avec le Maître qui était arrivé blessé il y avait de quoi faire. Sur le chemin vers la chambre émeraude, Lizzie s’empressa de s’enquérir de la santé de Mr Darcy à voix basse pour ne pas trahir son identité.

– Il a repris conscience. Le Dr Fleming est auprès de lui et restera à son chevet jusqu’à ce que le chirurgien arrive.

– Merci, Mrs Reynolds, pour tout.

– Je vous en prie Miss Bennet, répondit-elle en mimant son nom afin de rester discrète.

Une fois arrivée dans la chambre émeraude, Lizzie fut accueillie par Jane avec des larmes.

– Oh ! Lizzie, comment vous portez-vous ? J’étais tellement inquiète, nous l’étions tous ! s’exclama Jane en serrant sa cadette dans ses bras.

– Je me porte bien Jane, ne vous inquiétez pas, répondit-elle, il ne m’a pas fait de mal.

Elles restèrent ainsi quelques secondes à se réconforter, puis tandis que Lizzie se changeait en l’une de ses tenues de nuit, Jane s’enquit de savoir si son époux allait bien aussi, Elizabeth la rassura et l’informa que Charles avait prévu de passer voir Mr Darcy après avoir remis son cheval aux écuries. Ensuite, les deux sœurs s’installèrent, Lizzie qui était censée être malade sur le lit et Jane dans une bergère à côté. La brunette raconta toutes ses péripéties, s’interrompant juste le temps qu’une servante, envoyée par Mrs Reynolds, déposât un plateau avec du thé, des fruits et des gâteaux, un bol de bouillon et du pain, laissés au choix pour chacune des deux sœurs. Elizabeth, qui n’avait pas pris son petit déjeuner, fut bien contente de pouvoir mettre quelque chose dans son estomac.

– Jamais je n’aurais pu imaginer que Mr Wickham eût pu avoir une âme aussi noire ! conclut Jane affligée.

– Bien évidemment ma chère sœur, vous ne voyez le mal en personne, taquina Lizzie pour alléger un peu leur humeur.

– Que va-t-il devenir ?

– Je pense que Charles et Mr Darcy auront à traiter de son cas, à mon avis ils ne voudraient pas le remettre aux autorités afin d’éviter un scandale qui ruinerait ma réputation. Je suppose que Georgiana est auprès de son frère ?

– Tout à fait, elle est terriblement inquiète.

– Moi aussi, il a risqué sa vie pour sauver la mienne ! s’exclama Lizzie les larmes aux yeux. Oh ! Jane, je lui ai avoué mon amour ! et il croyait que j’étais fiancée au colonel, termina-telle en sanglotant.

– Oh ! Et pourquoi ça ?

– Je ne sais pas exactement, on n’en a pas parlé, mais je crois qu’il a mal interprété l’échange que j’ai eu avec le colonel lorsqu’il m’a demandé de considérer sa proposition et dont Mr Darcy a été témoin, au moins partiellement.

– Et qu’a-t-il dit ?

– Qu’il ne pouvait point trahir son cousin !

– Oh ! Lizzie ! je suis tellement désolée pour vous !

– Tout est de ma faute ! Dit-elle en secouant la tête penchée. Je voudrais tant être auprès de lui, savoir comment il est, le réconforter.

– Mais vous savez bien que c’est impossible.

– Oui, je le sais bien, nous n’avons plus qu’à attendre que Charles ou Georgie vienne nous apporter des nouvelles, Lizzie soupira d’impuissance.

– Tout peut encore s’arranger, Lizzie, nul ne sait ce qu’apportera demain.

Lizzie sécha ses larmes avec le dos de sa main.

– Ah ! Jane toujours aussi optimiste, je ne sais pas ce que je ferais sans votre soutien.

– Et à quoi servirait d’avoir une grande sœur ? dit Jane en souriant.

Après quelques heures, le son de quelqu’un frappant à la porte interrompit leur discussion.

Jane se leva pour aller ouvrir, c’était son époux qui apportait des nouvelles fraîches. Le chirurgien était passé et avait extrait la balle après avoir mis Darcy sous laudanum. Tout s’était bien déroulé, la plaie, recousue, ne saignait plus et il dormait encore, le principal risque maintenant était l’infection.

– Et comment expliquer sa blessure aux gens ? demanda Jane.

– Un accident après une altercation avec le « braconnier », ce qui n’est pas totalement faux, répondit Charles, et vous Elizabeth, comment vous portez-vous ?

– Je suis encore un peu secouée, mais ça ira.

– Visiblement, personne dans le personnel à part Stanley et Mrs Reynolds, et aussi le Dr Fleming bien sûr, ne s’est aperçu de votre disparition votre réputation est sauve, car ils sont fiables.

– En ce moment, ce n’est pas ce qui me préoccupe le plus, dit Lizzie tristement, mais je vous remercie Charles pour tout ce que vous avez fait pour moi.

– C’était ma responsabilité en tant que votre beau-frère, dit-il humblement.

– Peut-être bien, mais pas tous les beaux-frères n’auraient eu votre courage.

– C’est surtout Darcy qui vous a sauvé la vie, constata-t-il en observant la réaction de Lizzie.

– Ah ! Quand je pense qu’il aurait pu mourir… dit-elle avec une vive émotion.

Charles commença à deviner que sa belle-sœur préférée était peut-être davantage touchée et inquiète au sujet de Darcy que ne devrait l’être une simple amie de Georgiana. Il pensa à questionner Jane plus tard à ce sujet.

Plus tard, vers le soir, ce fut Georgiana qui vint rendre visite à Elizabeth afin de prendre de ses nouvelles. La jeune fille s’inquiétait pour son invitée surtout après avoir finalement appris l’identité de son ravisseur. Les deux jeunes femmes tombèrent dans les bras l’une de l’autre. Cette épreuve les avait rapprochées encore davantage en effet, elles avaient subi les méfaits du même odieux personnage. Elle informa que son frère s’était éveillé après l’opération mais qu’il avait pris encore un peu de laudanum prescrit par le chirurgien pour calmer la douleur et que maintenant il dormait.

Jane resta dormir avec sa sœur qu’elle voulait assurer d’une présence rassurante. Lizzie fit des cauchemars remplis de Wickham et de Mr Darcy tué par ce scélérat, mais heureusement sa grande sœur était là pour la réconforter.

Le lendemain matin, Lizzie se prépara rapidement. Son indisposition étant officiellement passée, elle put sortir de ses appartements avec Jane pour aller prendre le déjeuner, et surtout, avoir des nouvelles de Mr Darcy. Ce fut Mrs Reynolds qui les rassura à ce sujet, car Georgiana n’était point encore descendue. Le chirurgien était déjà venu aux aurores vérifier l’état de son patient qui allait déjà mieux, il était alerte et il n’avait pas de fièvre, ce qui était bon signe, mais il devrait garder la chambre pour quelques jours. Tous furent soulagés de la bonne nouvelle.

Quant à Whickham, il fut maintenu prisonnier dans la cabane de pêcheur sous bonne garde, en attendant que son sort soit scellé par Darcy. Dès que ce dernier eut l’esprit plus clair – sans laudanum – il décida d’envoyer ce pendard dans les colonies d’où il ne pourrait plus revenir et où il ne pourrait pas entacher la réputation des deux jeunes femmes les plus chères à son cœur. Il n’envisageait pas de l’envoyer en prison pour dettes ou désertion et il ne pouvait risquer un procès pour blessure, et encore moins pour enlèvement sans que cette racaille qui aimait vivre dans la crapule (1) ne se vengeât encore, cette fois en traînant dans la fange la réputation de Lizzie et de Georgie. Non, mieux valait l’envoyer le plus loin possible. Des démarches furent donc engagées dans ce sens. Darcy écrivit une note à l’un de ses agents à Londres afin de réserver un passage au nom de Wickham sur le prochain navire en partance de Portsmouth pour Port Jackson à Sydney, en Australie. Wickham n’accepta pas sans difficulté et menaces, car la vie là-bas y était réputée difficile et dangereuse pour les colons désargentés à cause des révoltes aborigènes, des privations, des maladies, sans parler des risques liés au long voyage de plusieurs mois, mais ce serait mieux que de croupir en prison, et de toute façon, c’était bien plus clément que ne le méritait ce vaurien. Il avait eu sa chance à maintes reprises, mais il avait tout gâché en retombant chaque fois dans les mêmes travers : paresse, vice et jalousie, n’hésitant pas à briser la vie d’innocentes personnes en chemin. Darcy ne regretta qu’une seule chose : ne pas l’avoir arrêté plus tôt.

Quelques jours après avoir reçu la balle, Darcy, bien qu’encore faible à cause de la perte de sang, était hors d’affaire et quitta sa chambre, le bras gauche en écharpe. Durant la période où il fut alité, le beau brun ne fit pas que réfléchir au destin de Wickham. En effet, il fut hanté par la déclaration d’Elizabeth, se demandant au début s’il n’avait point rêvé ou halluciné à cause du laudanum qu’il avait pris. Tout était d’abord comme dans un brouillard. Mais une fois son corps et son esprit sevrés du médicament, il réalisa que ce fut bien réel. Il repensa à ses mots passionnés lui faisant battre son cœur d’allégresse très fortement dans sa poitrine.

Et il aurait dû être heureux.

Pourtant, il ne l’était pas !

Une ombre se dressait entre lui et la femme qu’il aimait et qui l’aimait : Richard.

Il songeait à son cousin disparu. Le colonel qui était parti risquer sa vie pour sa patrie, afin qu’eux tous restés ici en Angleterre, bien à l’abri, ne tombassent sous le joug de l’ancien Empereur des Français. Darcy n’avait pas encore abandonné l’espoir de revoir Richard vivant, peut-être blessé et même gravement, mais en vie. Or son cousin aimait Miss Elizabeth, alors comment pouvait-il lui voler l’élue de son cœur ? Quelle cruauté ce serait envers celui-ci. La jeune femme avait affirmé qu’ils n’étaient pas encore fiancés et qu’elle n’accepterait pas d’épouser Richard, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’il aurait le droit de l’épouser lui-même. Il imaginait comment Richard verrait la situation – il repensa à son rêve, celui où ils se battaient en duel, même s’il n’imaginait pas que son cousin irait jusque là – et de son point de vue ce serait forcément une trahison. Il avait juré sur son honneur de ne pas interférer. Alors il ne le ferait pas, quitte à renoncer à son propre bonheur.

Dans sa volonté de loyauté et d’honneur, Darcy avait simplement négligé un détail et de taille… : le bonheur de Lizzie.

Chapitre 30

Darcy finira-t-il par considérer ce dernier détail comme étant plus important que sa loyauté envers Richard ? Quel dilemme !

Et Lizzie comment réagira-t-elle face à cela ?

Qu’en pensez-vous ?


Notes :

(1) Aimer vivre dans la crapule est une ancienne expression qui signifie : se livrer sans choix et sans modération aux plaisirs de l’amour, de la table, et du jeu.

Source : dictionnaire de l’Académie française 5ème édition de 1798

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