Chapitre 3: La réaction de Caroline

La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.

O&P

Merci à Lenniee pour la relecture de ce chapitre.

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La sonate de l’amour II : à la conquête du bonheur

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Chapitre 3 : la réaction de Caroline

Darcy avait prévu de voir Elizabeth chaque jour. Ils seraient toujours chaperonnés, mais ils pourraient discuter sur divers sujets, notamment les plans concernant leur mariage, leur vie future et ils continueraient d’apprendre à mieux se connaître. Ainsi, juste après sa visite chez les Matlock, il se rendit chez les Bingley pour les inviter à Darcy House le surlendemain, ce serait aussi l’occasion pour Elizabeth de découvrir sa future résidence londonienne.

C’est ainsi que Darcy, qui venait de sortir du bureau de Bingley où ils avaient parlé affaires, rencontra Lizzie sur le chemin qui menait au petit salon. À la dérobée, à l’abri d’un pilier, il l’attira discrètement pour lui voler rapidement un chaste baiser. Il savait qu’il avait peu de temps avant que Charles, qui terminait d’écrire une note, ne les rejoignît.

– Mr Darcy ! je ne vous aurais point cru aussi polisson, chuchota Lizzie avec une lueur taquine dans les yeux.

– Miss Bennet, c’est vous qui me faites perdre toute notion de bienséance, répondit-il sur le même ton.

Puis les fiancés se chuchotèrent quelques mots d’amour, ceux dont seuls les vrais amoureux avaient le secret, avant de reprendre vite leur progression vers leur destination et avant d’éveiller tout soupçon. Une fois arrivés dans la pièce, où Jane était déjà là assise à broder un mouchoir, ils s’installèrent sur une causeuse et entrelacèrent discrètement leurs doigts de manière à ce que personne ne les vit. Lizzie découvrait ainsi une nouvelle facette de son fiancé à la personnalité si complexe, celle du William tendre et attentionné. Elle avait encore eu droit à un cadeau cet après-midi : des chocolats. La jeune femme n’avait pas l’habitude d’être ainsi choyée, elle appréciait ces présents choisis avec soin et avec une évidente intention de lui faire plaisir, mais surtout parce qu’ils étaient offerts avec amour.

Darcy prépara sa bienaimée à la rencontre avec les Fitzwilliam en lui parlant des différents membres de la famille. Il commença par son oncle et sa tante, Lizzie ne put s’empêcher de demander avec une certaine espièglerie :

– Le comte est-il aussi condescendant que sa sœur Lady Catherine ?

– Heureusement non, toutefois, je dois vous avertir que Lady Claire tient particulièrement à son rang.

– Voulez-vous signifier qu’elle est opposée à notre mariage ? demanda Lizzie avec une certaine appréhension mêlée à de l’indignation.

– Ne vous inquiétez pas ma douce, la rassura-t-il en lui serrant les doigts gentiment, je suis mon propre maître et personne ne peut m’interdire de vous épouser, continua-t-il astucieusement sans répondre directement à la question.

« Oui, mais elle peut nous compliquer la vie » songea Lizzie qui ne souhaitait pas non plus être l’instrument d’une brèche familiale.

Darcy continua aussitôt pour esquiver ce sujet épineux en dressant le portrait du Vicomte Milton, James était le second enfant des Matlock, le premier né prénommé Henry comme son père était mort en bas âge. Milton ressemblait beaucoup physiquement à Richard, mais beaucoup moins dans le caractère. Il avait épousé Lady Susan, fille du Compte de Dundas (1), avec laquelle il avait eu deux filles, Charlotte et Mary il précisa délicatement que c’était un mariage arrangé et pas très heureux. Là non plus il ne souhaitait s’attarder sur la question, voulant laisser sa promise juger par elle-même du caractère très superficiel, selon lui, de cette dernière. Il termina par la benjamine de la famille, Lady Isabella qui était mariée à Lord Edward Talbot, Comte de Morlay (1). Ils avaient un fils prénommé comme son père. Ces derniers n’étaient pas à Londres actuellement.

O&P

Le jour suivant, les Bingley organisèrent un dîner où les Hurst et Caroline étaient invités en même temps que les Darcy. En effet, Darcy et Lizzie souhaitaient annoncer leur bonne nouvelle à tous leurs proches avant que cela ne paraisse dans les journaux.

D’ailleurs Lizzie avait déjà écrit à Charlotte et elle avait rendu visite aux Gardiner en compagnie de Jane, dès le lendemain du consentement de son père. Ils avaient été ravis de la nouvelle. Tante Madeline s’en doutait à partir de ce qu’elle avait pu remarquer l’été dernier à Pemberley. Pour elle, Mr Darcy la regardait trop intensément lorsqu’il pensait que personne ne l’observait. Il ne restait que la famille de Charles à parvenir.

Charles envoya donc une invitation aux Hurst. Caroline ne retint que la dernière phrase de celle-ci : « Les Darcy seront là aussi. Il y aura une grande nouvelle à partager… »

Elle pensa que Charles lui suggérait que Mr Darcy allait demander enfin sa main. Oui, c’était sûrement cela, après tout il approchait de la trentaine et devait se marier bientôt afin de produire un héritier. L’idée d’enfanter ne l’attirait guère, mais si c’était le passage obligé pour devenir la future Mrs Darcy, eh bien, soit ! Et puis le soin et l’éducation de l’enfant seraient confiés aux différents domestiques prévus pour cela. N’était-ce pas ce que toutes les grandes familles faisaient ? Elle devait donc être irrésistible, car Mr Darcy, en tant que meilleur ami de Charles, était sa plus sûre option pour entrer dans les hautes sphères. Elle avait déjà fait plusieurs saisons et n’avait pas su attirer un meilleur parti. Elle voulait aussi faire mieux que sa sœur, or non seulement Mr Darcy était plus riche et avait de meilleures relations que Hurst, mais il était aussi bien plus beau et élégant ce qui ne gâchait rien ! Elle s’imaginait déjà entrer dans les salons à son bras, tous les yeux rivés sur elle. Elle serait même d’un statut supérieur à celui de Charles. Elle serait enviée par toutes ses connaissances.

Elle sentit une bouffée de vanité gonfler tout son être.

Caroline se prépara donc avec grand soin, elle choisit une nouvelle toilette à la dernière mode qui mettait en valeur sa silhouette, opta pour une nouvelle coiffure qu’elle avait repérée dans le dernier numéro de La Belle Assemblée (2), elle s’orna de ses plus beaux bijoux et s’aspergea généreusement de la dernière création de chez Floris. Elle s’observa, non, elle s’admira, sous tous les angles, dans le miroir de sa chambre chez les Hurst. Elle était très satisfaite, car elle se savait plutôt belle femme et se disait qu’ainsi parée de ses plus beaux atours, elle éclipserait sans problème cette Eliza Bennet. Ce serait un grand jour de gloire, sans douter !

Ce fut donc très fière d’elle-même que Caroline pénétra dans la demeure de son frère, avec les Hurst, à la conquête de Mr Darcy. Elle se pavanait, accentuant sa démarche qu’elle pensait élégante et des plus distinguées, tout en décochant un regard dédaigneux sur Eliza qui avait bien meilleure mine ce jour-ci, mais Caroline se sentait bien supérieure. Elle flatta Miss Darcy sur sa mise et minauda devant le Maître de Pemberley en battant des cils. À peine installée, elle s’adressa ensuite à Elizabeth.

– Oh, ma pauvre Eliza, vous avez toujours une aussi mauvaise mine, vous n’attraperez jamais un bon époux avec un teint pareil ! Je vous ferai parvenir un pot de cette fameuse crème de chez Floris dont je vous ai causée la dernière fois, proposa-t-elle avec un faux sourire fielleux accompagnant ses paroles acrimonieuses.

– Que c’est charitable de votre part, ma chère sœur, il est vrai que cette préparation fait des merveilles ! s’exclama Louisa mettant ainsi en lumière l’excellent caractère de sa cadette, tout en accentuant le côté charitable et donc humiliant de cette offre.

– Je vous remercie de votre générosité, mais votre inquiétude concernant mon sinistre avenir matrimonial est surfaite, je vous assure, répondit Lizzie avec un sourire lumineux. Elle réussit ainsi, avec intelligence et finesse, à flatter la demoiselle en transformant avec grâce le caractère charitable en généreux de sa proposition. Mais personne ne fut dupe.

Lizzie coula un regard rapide et espiègle vers Darcy qui réussit, tant bien que mal, à garder une expression stoïque pour cacher son amusement.

Charles toussota pour déguiser un rire nerveux à l’imminence de la nouvelle.

Georgiana qui ne savait pas où regarder, croisa le regard de Jane qui était plein de compassion en pensant à… Caroline.

Louisa gloussa bêtement ne sachant pas vraiment pour quelle raison.

Hurst somnolait dans son coin d’ennui ne songeant qu’à son estomac qui criait famine.

Tout cela sous l’œil attentif de Caroline qui se disait que l’assemblée était désolée pour la pauvre Eliza qui était complètement dans le déni.

– Je voulais seulement vous offrir mes services par pure amitié, rétorqua Caroline la tête haute et dédaigneuse qui se tourna ensuite vers Georgiana. Ma chère amie, nous ferez-vous l’honneur de vous entendre au pianoforte ce soir ? j’ai tant de plaisir à vous écouter, c’est un pur enchantement pour les oreilles, votre talent est si grand.

– Je… je ne sais pas, balbutia cette dernière en rougissant et en se tordant les mains, embarrassée par tant d’éloges. Caroline Bingley l’avait toujours mise mal à l’aise avec ses compliments qu’elle sentait surtout destinés à se mettre dans les bonnes grâces de son frère.

– Je pourrais vous tourner les pages, si vous le souhaitez, Georgiana, et si vous voulez, je pourrais chanter accompagnée par vous, proposa Lizzie qui savait qu’ainsi sa future belle-sœur serait plus en confiance.

– Dans ce cas, j’accepte volontiers, Elizabeth, répondit-elle avec un sourire timide, rassurée de ne pas avoir à se produire seule.

Darcy était satisfait de voir que sa future épouse réussissait à faire sortir sa sœur de sa coquille peu à peu.

« Cette maudite Eliza, de quoi se mêle-t-elle ! » pensa Caroline.

La conversation continua sur des banalités durant encore quelques minutes, puis le repas fut annoncé. Les convives se levèrent afin de se diriger vers la salle à manger. Caroline s’empressa de s’accrocher au bras de Darcy qui, par politesse, ne put s’en défaire, mais il offrit son autre bras à Lizzie au grand dam de Caroline qui pensait que Mr Darcy aurait saisi l’occasion pour s’attarder un instant avec elle pour lui faire sa demande. Celle-ci déplora ensuite l’arrangement autour de la table, car Mr Darcy était placé entre Charles, qui présidait, et cette horrible Eliza qui était aussi voisine de Miss Darcy qui était placée à la droite de Jane. Caroline pressa ses lèvres : Jane n’aurait-elle pu l’asseoir à la droite de son frère, donc en face de Mr Darcy, vu l’annonce qui serait faite ? Cela aurait eu du sens vu qu’elle serait bien plus importante que Hurst, Jane avait encore beaucoup à apprendre… Au moins elle avait Louisa à sa droite, mais elle était en face de la brune et Hurst était à sa gauche.

Vers la fin du dessert, après que le domestique avait rempli les verres de vin, Charles se leva, son verre à la main, pour s’adresser à ses convives.

– Vous avez été invités ce soir, car il y a une excellente nouvelle à fêter, dit-il gaiement en regardant Darcy.

À ces mots Darcy se leva à son tour pour prendre la parole.

Caroline était un peu surprise et chagrinée que Mr Darcy ne se soit pas entretenu avec elle pour lui faire sa demande en privé avant de la rendre publique, mais après tout ils étaient en famille et elle n’allait certainement pas refuser à cause de cela. Elle se redressa donc, un sourire affiché sur son visage et balaya l’assemblée de son regard triomphant, en particulier Eliza qui regardait Mr Darcy avec… avec amour ? « Ah ! Elle ne va pas être déçue », se dit-elle ironiquement. Elle entendit alors ce dernier qui s’exprima tout en les regardant, elle et les Hurst…

– C’est avec une immense joie que je vous annonce qu’Eliz… il se racla la gorge avant de rectifier, que Miss Bennet a fait de moi le plus heureux des hommes en acceptant de devenir mon épouse.

– Oh ! Mr Darcy, c’est très méchant de votre part de vous moquer ainsi de cette pauvre Eliza ! railla Caroline tout en fustigeant Mr Darcy gentiment.

– Je vous assure, Miss Bingley, que je suis on ne peut plus sérieux, répliqua celui-ci contrarié et même furibond de l’impudence de la jeune femme.

Quoi !? Est-ce que Mr Darcy venait bien de prendre la main de… la main de cette provinciale ! Impossible ! Elle devait être dans un cauchemar. Ou bien on voulait lui faire une plaisanterie… de bien mauvais goût.

– Non, c’est une farce ! s’écria Caroline outrée qui ne put retenir sa langue.

– Caroline ! réprimanda Charles.

– Mais enfin, Mr Darcy, vous ne pouvez décemment pas songer vous lier à cette… à cette, sa colère était tellement grande qu’elle n’arrivait pas à trouver le terme à la hauteur de son ire.

– Miss Bingley ! Vous vous oubliez ! la coupa Darcy avant qu’elle n’offensât davantage sa bienaimée.

Georgie avaient les yeux ronds de surprise, horrifiée.

Jane porta sa main devant sa bouche bée.

Louisa posa ses doigts sur le bras de sa sœur dans l’espoir de la raisonner.

Même Hurst, étonné, arrêta de se bâfrer.

Lizzie prit alors dignement la parole avec calme et un grand sourire.

– Réjouissez-vous Caroline, car Mr Darcy deviendra ainsi votre beau-frère, elle fit une pause pour l’effet, … même si ce n’est que par alliance.

Par alliance, oui en effet, mais pas celle dont Miss Bingley rêvait, Elizabeth avait finement choisi le terme et tous le comprirent bien.

Un silence de plomb s’abattit pendant quelques instants. Tous les regards étaient maintenant braqués sur Caroline qui fulminait, attendant sa réaction avec appréhension. Louisa lui murmura derrière sa serviette qu’elle passa devant sa bouche pour la discrétion :

– Reprenez-vous, ma chérie. Montrez que vous êtes une femme du beau monde.

Caroline était devenue blême, la respiration haletante, son rêve s’écroulait à cause de cette harpie sans beauté ni raffinement et en plus, elle avait le toupet de se moquer d’elle.

– Ne lui faites pas plaisir en affichant plus avant votre déconvenue, chuchota Louisa pour la convaincre en voyant que sa cadette était toujours sur le point d’aggraver plus avant l’esclandre qu’elle avait déclenché.

Sa sœur avait raison, Caroline devait se montrer digne et ne pas s’offrir davantage en spectacle, elle avait perdu ses nerfs un moment, maintenant il était temps de se reprendre.

– Veuillez me pardonner, mais… mais j’ai une brusque migraine et je dois me retirer, dit-elle en se levant assez abruptement.

Elle renversa son verre de vin qui l’éclaboussa d’une gerbe rouge ajoutant le ridicule à l’humiliation. C’en était trop, elle sentit les larmes lui monter aux yeux tandis qu’elle sortait de la salle à manger. Des larmes de consternation, de mortification et d’amertume, car elle n’avait pas le cœur brisé. C’étaient juste ses ambitions qui venaient de voler en éclats et pire au bénéfice de cette maudite Eliza ! Les sœurs Bennet lui avaient décidément causé sa ruine ! D’abord son frère qui avait épousé l’aînée, une jeune femme charmante certes, mais sans fortune ni relations, et maintenant, ça ? Eliza n’était ni belle ni raffinée pensait-elle rageusement en agrippant la délicate dentelle tachée de sa toilette. Comment Mr Darcy avait-il pu se laisser embobeliner par cette campagnarde ? Que son frère soit tombé pour Jane, elle le comprenait encore car il avait un cœur d’artichaut, mais que le Maître de Pemberley, petit-fils et neveux d’un comte qui avait l’habitude de fréquenter la plus haute société se lie avec cette fille de basse extraction, cela dépassait l’entendement ! La famille Bennet était une malédiction, sa malédiction !

Après avoir félicité les fiancés, Louisa s’excusa aussi pour rejoindre sa sœur afin de la réconforter. Les autres convives eurent du mal à retrouver une certaine bonne humeur. Charles se montra contrit du comportement de sa plus jeune sœur.

– Elizabeth, Darcy, je suis vraiment désolé de l’attitude de Caroline, je savais que ce serait difficile pour elle, je pense que vous en avez deviné la raison Darcy, mais je n’imaginais pas qu’elle réagirait ainsi.

– Ne vous formalisez pas Charles, ce n’est point votre faute, répondit Lizzie gentiment.

– Cet incident sera vite oublié, ajouta Darcy qui décida de ne pas laisser cette mégère ternir son bonheur, leur bonheur.

– Ah ! Pour vous peut-être, mais ce n’est pas vous qui allez en subir les conséquences et devoir supporter sa mauvaise humeur, intervint Hurst.

Si le ton de ce dernier n’avait pas été agacé et irrité sa remarque aurait pu faire sourire.

Après cet incident, les Hurst et Caroline se retirèrent rapidement laissant les Bingley, les Darcy et Elizabeth profiter du reste de la soirée dans une quiétude retrouvée.

Chapitre 4 à venir

Pauvre Caroline! elle est tombée de bien haut, comment avez-vous trouvé sa réaction ?

Dans le prochain chapitre, Lizzie va découvrir Darcy House avant de rencontrer les Fitzwilliam dans celui d’après.


Notes :

(1) Titres inventés

(2) La Belle Assemblée était un magazine féminin britannique très en vogue qui parut mensuellement de 1806 à 1837.

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