Chapitre 31 : nouvelles

La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.

O&P

Un grand merci à Lenniee pour la relecture et pour sa contribution à l’amélioration de ce chapitre.

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Dorlote, Jane : j’apprécie la reconnaissance de mes efforts. Ce chapitre-là sera moins éducatif, mais davantage dans l’émotion.

Crispill, AdAtc, Pixiel : quant à savoir si le colonel n’est que blessé ou mort en héros, et s’il sera le « Deus ex machina » (j’ai adoré l’image) de cette histoire, à voir… une des réponses est dans ce chapitre.

Lorelei : je citerais un proverbe persan « La patience est un arbre dont la racine est amère, et dont les fruits sont très doux. » La récolte est proche 😉


La sonate de l’amour

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C’est de par leur caractère que les hommes sont ce qu’ils sont, mais c’est de par leurs actions qu’ils sont heureux, ou le contraire.

– Aristote –

Chapitre 31 : nouvelles

– Je viens de recevoir un courrier de l’un de mes enquêteurs sur le continent, dit-il d’une voix tremblante. On a retrouvé la veste du colonel Fitzwilliam… tâchée de sang sur la berge d’une rivière.

Les réactions ne se firent pas attendre.

– Oh mon Dieu ! s’exclamèrent Lizzie et Georgie, les plus choquées par la nouvelle.

– Dieu du ciel !

– Oh Darcy, mon ami !

Georgiana se leva et alla se jeter dans les bras de son frère qui l’accueillit pour la réconforter. Tout le monde resta figé dans la stupeur pendant quelques instants pour absorber complètement la portée de cette découverte, puis les questions fusèrent.

Où la veste avait-elle été trouvée exactement ? Par qui ? Quand ? Qu’était-il arrivé au colonel ? Pourquoi ne l’avait-on pas retrouvé, mort ou vif ? était-il tombé dans cette rivière ? … mille questions dont la plus essentielle, à savoir, si le colonel Fitzwilliam était encore en vie… ou pas, n’avait aucune réponse.

Darcy détailla ce qu’il avait lu. La veste du colonel, identifiable par ses galons, son numéro de régiment gravé sur les boutons en plus d’un document personnel récupéré dans l’une des poches, avait été ramassée à deux miles environ du champ de bataille par des soldats anglais qui patrouillaient autour de la zone des affrontements, à la recherche de cadavres ou de blessés dans les jours suivants la victoire du général Wellington à Waterloo. La vareuse fut rapportée dans l’un des hôpitaux de campagne qui s’étaient installés dans la région autour du lieu de la grande bataille. Dans le chaos qui régnait alors, le vêtement fut oublié pour être redécouvert plusieurs semaines plus tard. Ainsi donc le colonel avait dû survivre à la bataille et avait même parcouru deux miles, mais il avait probablement été blessé, bien que l’on ne pût exclure que le sang ayant souillé sa veste ne soit pas celui de quelqu’un d’autre. Son cheval n’avait pas été repéré non plus. La terrible crainte qu’il ne se fût noyé dans la rivière assaillit tous les esprits, sinon pourquoi n’avait-il point encore été retrouvé mort ou vif ? Toutefois Darcy s’accrochait à l’espoir qu’une bonne raison, autre que la plus terrible d’entre elles, pouvait encore expliquer cette disparition.

– Il faut que je voie les Fitzwilliam le plus rapidement possible, déclara Darcy.

– Mais vous ne pouvez pas encore voyager avec votre blessure, dit Georgie inquiète, exprimant ce que Lizzie pensait.

– Ce n’est pas le genre de nouvelles que je puis donner par message aux parents de notre cousin, Georgie. Matlock n’est pas si loin, et en roulant doucement dans notre meilleure voiture, je peux faire le voyage.

– Je vous accompagnerai Darcy, dit Charles.

– Merci Bingley, j’apprécie votre soutien, mais je ne voudrais pas retarder votre départ, vous avez à régler la résiliation du bail de Netherfield et à organiser votre déménagement pour Roses Manor…

Bingley rejeta l’objection de son ami par un geste de sa main.

– Ce n’est pas à un ou deux jours près, et si vous avez besoin de moi, c’est plus important.

– Je suis d’accord avec mon époux, confirma Jane, nous pouvons attendre, Mr Darcy.

– Merci de votre générosité Mrs Bingley, alors j’accepte votre offre, dit Darcy tout en pensant « Charles a trouvé son âme sœur, ils sont vraiment bien assortis tous les deux, ils partagent la même bonté. »

Lizzie et Darcy se regardèrent et se comprirent, les mots n’avaient pas besoin d’être prononcés, car ils partageaient la même douleur, les mêmes incertitudes, les mêmes craintes. Quant à Georgiana, elle savait qu’elle ne pourrait pas accompagner son frère et Mr Bingley afin de remplir ses devoirs d’hôtesse.

Peu après, le temps de faire atteler les chevaux à la voiture, de préparer un bagage léger ainsi qu’un panier repas pour dîner en route, Darcy, Bingley et Stanley partirent pour Matlock. L’ambiance fut sombre durant le voyage qui dura une paire d’heures. Peu de mots furent échangés, Charles respecta le désir de Darcy de se retrancher, il le connaissait bien et savait qu’il en avait besoin sa seule présence lui suffisait. Ils arrivèrent en début d’après-midi. Par respect, Bingley se voulut discret et laissa son ami être introduit seul par le majordome dans le salon réservé à la famille, il fut conduit vers un autre salon où on lui apporta de quoi se rafraîchir.

Les Fitzwilliam comprirent aussitôt, en voyant l’air grave de leur neveu, en plus de l’écharpe dans lequel était encore son bras, que quelque chose de grave était arrivé et ils pensèrent aussitôt à…

– Georgiana ! s’exclama Lady Claire.

– Darcy qu’est ce qui s’est passé ? où est votre sœur ? demanda le comte de Matlock.

– Georgiana va bien, ne vous inquiétez pas pour elle, elle a dû rester pour tenir compagnie à Mrs Bingley et sa sœur qui est aussi son invitée, répondit Darcy, si je suis là, c’est au sujet de…

– Richard ! Oh mon Dieu ! s’écria la comtesse en portant la main à sa poitrine.

– Avez-vous reçu des nouvelles de vos enquêteurs ? demanda le comte la voix tremblante, moi je n’ai rien eu.

– En effet, tenez, lisez par vous-même, dit Darcy en tendant le rapport qu’il avait reçu, sa gorge était trop serrée pour parler sereinement sans trahir toute l’émotion qu’il ressentait à cet instant.

Le temps de chausser ses binocles et le comte se mit à lire avec fébrilité, son épouse appuyée à son bras, cherchant de plus en plus de réconfort au fur et à mesure qu’il dévoilait le contenu du message. Lady Claire, qui pourtant était une femme forte de caractère, blêmit : son fils, la chair de sa chair, était peut-être mort, seul là-bas de l’autre côté de La Manche et sa dépouille était peut-être en train de pourrir oubliée, abandonnée dans des eaux hostiles et étrangères. C’était insupportable, trop terrible, horrible et douloureux. Ce n’était pas ainsi que devaient se dérouler les choses : une mère, un père ne devraient jamais avoir à perdre un enfant et encore moins ne point être capables de le mettre en terre dignement. Alors après la stupeur ce fut le déni qui envahit cette maman.

– Je refuse de penser qu’il soit mort ! déclara Lady Claire, il y a encore de l’espoir, son corps n’a pas été retrouvé…

– En effet, ma chère, vous avez raison, dit le comte en posant sa main sur celle de son épouse pour atténuer la douleur que les paroles qui suivraient allaient infliger, mais la probabilité est quand même mince… il y a maintenant presque deux mois et…

– Non ! je refuse de me résoudre à… à penser que… Oooh ! excusez-moi, dit-elle en se levant pour sortir en toute hâte, la main devant sa bouche avant d’éclater en sanglots devant son neveu. Nonobstant les circonstances, elle tenait à garder son rang et sa dignité, c’est ce qu’on lui avait toujours enseigné chez les Ponsoby (1).

– Je voulais simplement être pragmatique, bien que je le déplore, il faut être réaliste, dit Lord Matlock complètement défait.

– Je comprends, oncle Henry, mais tante Claire n’a pas tort, il reste quand même une chance, si minime soit-elle.

– Ah ! je ne sais pas cher neveu ! N’allons-nous pas inutilement prolonger nos souffrances en nous berçant d’illusions ? Questionna-t-il affligé.

– Peut-être devrais-je essayer à nouveau de me rendre sur place ?

– Et que feriez-vous de plus que nos enquêteurs dans le chaos qui règne là-bas depuis Waterloo ? De plus vous êtes blessé, que vous est-il arrivé d’ailleurs ? demanda-t-il en désignant son bras.

– Oh, … euh ! un simple accident, répondit Darcy un peu gêné, mais rien qui ne puisse m’empêcher de voyager d’ici quelques jours.

Le comte secoua la tête.

– Je vous rappelle aussi que, si par malheur Richard ne revenait jamais, vous seriez le seul tuteur qui resterait à Georgiana. Vous savez que votre tante et moi serions là pour elle, mais nous ne sommes plus tout jeunes, alors qu’adviendrait-il d’elle ? Pourriez-vous la confier à vos cousins chez les Darcy ? demanda-t-il d’un air dubitatif.

– Non, je ne puis l’envisager, mon cousin James est en mauvaise santé et son fils Matthew est un ambitieux. J’aurais trop peur qu’il ne veuille mettre la main sur Pemberley et la dot de ma sœur en l’épousant de force. Mais mon devoir envers la famille…

– Votre devoir familial est avant tout dû à votre sœur, Darcy. Si Richard est vivant, il finira bien par être retrouvé ou par apparaître de lui-même. Et s’il est … dit-il la voix épaissie par l’émotion, enfin, autrement vous ne pourriez plus rien y faire !

Le comte ne souhaitait pas mettre en péril la vie de son neveu dans un voyage qui lui paraissait inutile et désespéré. Il avait vu plusieurs de ses amis ou de ses pairs perdre un ou même deux de leurs fils dans cette bataille, et ceux qui en étaient revenus avaient raconté de telles scènes d’horreur, les cadavres et les blessés passés pour morts qui avaient été laissés sur le champ de bataille durant des jours, voire des semaines avant d’être ramassés, tellement il y en avait : plus de soixante mille pertes humaines ! Tous les hôpitaux de campagne et les habitations environnant Waterloo avaient été visités par leurs enquêteurs qui n’avaient trouvé aucune trace de Richard. Alors où était-il, s’il était encore vivant ? Non, il n’était pas raisonnable d’y envoyer Darcy, le seul représentant mâle vivant digne de Pemberley. Il avait déjà entendu parler de ce Matthew Darcy et ce ne fut pas en bien, ce fut en partie pour cette raison que feu le père de son neveu avait choisi leurs fils comme tuteurs de Georgiana.

Quant à Darcy, un dilemme se développait en lui, il était déchiré entre son devoir envers sa sœur et celui envers son cousin qu’il considérait et aimait comme un frère. « Ah ! si seulement j’avais été marié à une femme digne de confiance qui aurait pu veiller sur Georgie… » se surprit-il à penser. C’était une situation inédite, son oncle avait raison, qu’arriverait-il à Georgie si ses deux tuteurs légaux venaient à disparaître ? Jusqu’à présent, il n’y avait guère pensé – autrement que dans ce cauchemar avec le duel – tant que Richard et lui étaient vivants, mais avec la disparition inquiétante et prolongée du colonel, le vieillissement des parents de celui-ci et « l’accident » qui avait failli lui coûter la vie, l’évidence de son manque de prévoyance à ce sujet lui apparut à l’esprit et il se demanda à qui confier la garde de sa sœur en cas de nécessité ? Cette question devrait être mûrement réfléchie et rapidement résolue. Ainsi il se laissa convaincre par son oncle.

– Très bien, mon oncle, je suivrai vos conseils et resterai ici.

– Je sais que cela vous pèse William, mais c’est pour le mieux, faisons confiance au Seigneur.

Darcy hocha la tête en soupirant d’impuissance. Le comte alla ensuite rejoindre son épouse, tandis que Darcy retrouva Bingley. Ils rejoignirent les Fitzwilliam plus tard pour le souper, mais personne n’avait vraiment d’appétit. Lady Claire partageait l’avis du comte au sujet de cette pérégrination qu’avait envisagée Darcy, elle non plus ne voulait pas risquer d’envoyer leur neveu à l’étranger dans une quête dangereuse et plus qu’incertaine.

Les visiteurs passèrent la nuit sur place et repartirent après le déjeuner, le lendemain. Les adieux furent tintés de tristesse. Et le voyage du retour fut encore plus morose qu’à l’aller.

O&P

Le séjour des Bingley, et par conséquent celui d’Elizabeth, touchait à sa fin et il était maintenant temps de partir. Les derniers jours avaient été particulièrement éprouvants pour tous, le séjour avait pourtant si bien commencé que cela laissa un goût mitigé dans leur esprit. Des évènements importants s’étaient produits et des révélations bouleversantes s’étaient dévoilées, une amitié profonde entre Lizzie et Georgie s’était forgée. Et il était difficile de partir dans de telles circonstances.

Les adieux furent poignants, mais ils s’écriraient en attendant de se revoir… un jour.

La dernière à monter dans la voiture des Bingley fut Lizzie. Georgiana s’était réfugiée dans les bras de son amie qui l’enlaça en lui soufflant des mots de réconfort, optimistes et chaleureux. Puis la jeune Darcy s’écarta pour laisser son frère faire ses adieux à la jeune femme. Ils s’observaient avec beaucoup d’émotions contenues : tristesse, regrets, incertitudes et aussi de… l’amour. Les yeux de Darcy étaient d’un bleu profond, intense ceux de Lizzie étaient presque noirs comme portant déjà le deuil de leur séparation, de leur amour perdu avant même d’avoir pu éclater au grand jour. Cet amour tué, non, étouffé, par les circonstances.

– Merci beaucoup, Mr Darcy, pour votre hospitalité, ce fut un immense plaisir et un grand honneur de venir à Pemberley, dit Elizabeth la voix peu assurée.

– Je vous en prie Miss Bennet, le plaisir et l’honneur furent les miens… les nôtres, se reprit-il presque dans un murmure en tournant la tête brièvement vers Georgie, puis il lui tendit un paquet en lui disant, voilà de quoi occuper les longues heures de voyage.

– Oh ! merci, c’est très aimable de votre part, Mr Darcy, dit Lizzie qui devina qu’il s’agissait d’un livre et elle ne put s’empêcher de le taquiner pour égayer un peu l’atmosphère, mais est-ce bien convenable ?

Darcy observa cette étincelle dans son regard qui témoignait toujours, soit de son impertinence, soit d’un trait d’esprit, et il lui fut reconnaissant qu’elle lui eût offert comme dernière image d’elle cette lueur dans ses magnifiques yeux qui l’avaient fasciné dès qu’il s’était noyé dedans. Il émit un très léger rire perceptible que par Lizzie et lui dédia en échange l’un de ses plus beaux sourires qui révéla ses fossettes.

– J’ai l’accord des Bingley, dit-il simplement car il n’était pas sûr d’être capable d’en dire davantage sans trahir le tumulte qui l’habitait alors.

– C’est sans doute quelque chose de précieux qui appartient à votre bibliothèque, … dit Lizzie, je vous le rendrai la prochaine fois qu’on se verra, Mr Darcy, entre-temps je le garderai soigneusement, ajouta-t-elle en voulant surtout lui signifier qu’elle espérait le revoir.

– Vous pouvez le conserver, c’est pour vous Miss Elizabeth… murmura-t-il.

Darcy prit la main gantée d’Elizabeth pour l’aider à s’installer dans le véhicule, ce dernier contact était d’autant plus émouvant pour chacun d’eux qu’ils savaient que ce serait jamais le seul genre de contact qui leur serait possible et probablement avant longtemps.

Une fois les voyageurs bien installés, Bingley racla sa canne sur le toit du carrosse donnant ainsi le signal du départ aux cochers. La voiture s’ébranla. Darcy avait entouré les épaules de sa sœur qui se lova contre lui, le frère et la sœur cherchant mutuellement un réconfort face au départ d’une jeune femme qui comptait beaucoup dans le cœur de chacun, bien que de façon différente. Darcy pensa : « Adieu, mon amour ! » Et juste à ce moment précis, Lizzie se pencha par la fenêtre pour un dernier signe de la main, c’était comme si elle avait entendu ses paroles silencieuses et Darcy ressentit un pincement dans la poitrine. Il ne pouvait pas distinguer les larmes qui perlaient dans les yeux de la jeune femme déjà trop éloignée.

Après quelques minutes, le temps de recouvrer ses esprits, Lizzie déballa soigneusement le paquet brun, son cœur se serra en lisant le titre de l’ouvrage :

La critique de la raison pure

Emmanuel Kant

Seconde édition, 1787

Elle caressa le cuir marron de la reliure avec vénération, puis elle ouvrit le livre et son regard accrocha un seul et unique mot écrit à la main sur la page de garde : forever (2). Elle le referma aussitôt, détourna la tête de Jane qui était juste en face d’elle pour faire semblant d’observer le paysage et les larmes se remirent à couler. Jane qui avait compris l’émotion de sa cadette, ne dit mot et laissa Lizzie à ses pensées.

Lizzie médita longuement sur ce simple mot. Était-ce Mr Darcy qui l’avait écrit ? Ou bien l’un des membres de sa famille ? Et si c’était lui qui l’avait inscrit à son intention, qu’avait-il voulu signifier ? Forever, mais quoi ? Love forever (2) ? Ou bien au contraire voulait-il dire forever lost (2) ? Pourquoi lui aurait-il laissé ce mot ? Voulait-il lui laisser entrevoir un espoir, ou lui exprimer qu’elle resterait toujours dans son cœur, ou bien lui indiquer de ne rien attendre ?

Quant à Darcy, il regrettait presque déjà d’avoir écrit ce mot sous le coup de l’impulsion, mais cela avait été plus fort que lui…

O&P

Quelque temps plus tôt, le vingt juin 1815, quelque part sur le continent…

Lord Andrew Beecham, Marquis de Grantham (3) et sa fille Cordelia étaient à bord de leur carrosse, de retour de visite de chez l’un de leurs voisins. Ils rentraient vers l’une des résidences que Lord Beecham avait hérité d’un grand-oncle décédé sans héritier direct. Après le décès de son épouse, il y avait tout juste un an, il avait décidé de faire son deuil avec sa fille Cordelia loin de Londres et de son tumulte, et aussi de se rapprocher de l’une de ses sœurs qui avait suivi son mari à Bruxelles. Lady Cordelia aurait déjà dû faire sa première saison, mais avec la disparition de sa mère une période de deuil l’avait retardée, de toute façon elle n’était pas d’humeur à cause du chagrin. Ce fut donc lors du bal de la Duchesse de Richmond qu’elle avait fait son entrée dans le beau monde à l’âge de vingt ans. Ce fut sa tante qui l’avait préparée à son premier bal qui avait bien failli être aussi son dernier en tant que jeune femme libre, à cause de l’incident avec le capitaine Scott. Heureusement, un charmant colonel l’avait sortie de ce mauvais pas. Il y avait quelques jours de cela et elle pensait encore à lui se demandant s’il était sorti vivant de cette horrible bataille.

Sur la route, la voiture des Beecham approcha un homme ensanglanté penché sur son cheval. En l’observant ils comprirent que c’était un militaire même s’il n’avait plus de veste et il errait à demi-inconscient visiblement à bout de force. Surpris par la scène, ils le virent tomber sous leurs yeux incrédules, avant de pouvoir intervenir.

– Papa, il faut aider ce pauvre soldat, ce doit être un rescapé des terribles batailles !

Lord Beecham n’avait pas attendu la fin de la remarque de sa fille pour frapper de sa canne le toit du véhicule pour signaler au cocher de s’arrêter.

– Cordelia, restez à l’intérieur !

– Mais papa…

– Restez là je vous dis, je ne veux pas vous voir exposée.

– Très bien père, dit-elle en soupirant.

Le temps que Lord Beecham descendît du véhicule, ses domestiques étaient déjà auprès du militaire étendu sur le sol et inconscient.

– Il a l’air sal’ment amoché, dit un des laquais.

– Il est blessé à la cuisse, remarqua l’un des cochers en indiquant le pansement improvisé et ensanglanté sur le pantalon de l’homme.

– Et sa tête a dû heurter c’te grosse pierre, ajouta un deuxième laquais en la montrant du doigt.

– On dirait bien un Anglais d’après le reste de son uniforme, dit Lord Beecham qui l’examina de plus près. Son visage me dit quelque chose… quoi qu’il en soit, on ne peut pas laisser ce malheureux au bord de la route. Foster, fouillez-le, il y a peut-être des indices sur son identité sur lui ou bien sur son cheval, ordonna-t-il à l’un des laquais. Il réfléchit un moment durant la fouille.

– J’ai trouvé dans l’sacoche du ch’val c’te lettre, annonça Foster en montrant un papier.

– Ah très bien, voyons, elle est adressée à un certain Dickson… au moins nous savons son nom. Foster, prenez son cheval et allez chercher une charrette pour le transporter et faire quérir le chirurgien, mais je ne veux pas risquer de vous faire aller vers l’un des hôpitaux de campagne pour l’y conduire, de toute façon, c’est le chaos partout ! Nous devons le ramener au manoir, déclara le marquis qui ne voulait pas non plus exposer sa fille chérie en l’emmenant dans leur voiture.

De toute façon, ils n’étaient qu’à un demi-mile de la maison, ce serait donc rapide et puis il faudrait un certain temps avant de trouver le chirurgien si encore il était disponible. En attendant, il fit chercher une couverture dans son véhicule. Lady Cordelia était à la fenêtre qui observait tout ce qui se passait.

Le soldat Dickson fut donc amené dans la demeure des Beecham et lorsque Lady Cordelia vit enfin son visage de près, elle s’exclama :

– Papa, il s’agit du colonel qui m’a sauvée au bal ! son cœur battait la chamade.

– Ah ! voilà pourquoi j’avais la sensation de l’avoir déjà vu. Mrs Parker, faites préparer la chambre jaune pour le colonel Dickson, ordonna-t-il à sa femme de charge.

– Colonel Dickson… Dickie prononça rêveusement Lady Cordelia, se rappelant du surnom donné par son collègue lorsqu’il était venu le chercher, nous allons bien prendre soin de vous colonel, promit-elle.

Lord Beecham envoya une note au service des armées pour informer de la présence d’un certain colonel Dickson blessé et soigné chez lui, mais dans la pagaille qui régnait alors celle-ci se perdit et ne parvint jamais à destination.

Chapitre 32

Alors que voulait transmettre Darcy à Lizzie : love forever ou forever lost, qu’en pensez-vous ?


Notes :

(1) Pour rappel, Lady Claire était née Ponsoby (cf. chapitre 9)

(2) Forever : pour toujours en anglais.

Love forever : amour pour toujours

Forever lost : perdu à jamais

(3) Lord Andrew Beecham, Marquis de Grantham est un titre que j’ai inventé qui est inspiré par la série Downton Abbey dans laquelle on trouve Lord Robert Crawley, comte de Grantham.

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